Aimer jusqu'au bout...
« Aimez vos ennemis... »
« Il a tendu son visage aux
impies pour qu'ils le couvrent de crachats. Il les a laissés mettre un bandeau sur ces yeux qui d'un signe gouvernent l'univers. Il a exposé son dos au fouet... Il a soumis aux pointes des épines
sa tête, devant laquelle doivent trembler princes et puissants. Il s'est livré lui-même aux affronts et aux injures. Et enfin il a supporté patiemment la croix, les clous, la lance, le fiel, le
vinaigre, demeurant au milieu de tout cela plein de douceur et de sérénité. « Il a été mené comme une brebis à l'abattoir, il s'est tu
comme un agneau devant celui qui le tond, et il n'ouvrait pas la bouche »
En entendant cette parole, pleine de douceur et d'amour : « Père, pardonne-leur » que pourrait-on ajouter?
Et pourtant le Seigneur a ajouté quelque chose. Il ne s'est pas content de prier ; il a voulu aussi excuser : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Ils sont sans doute de grands pécheurs, mais ils en ont à peine conscience ; c'est pourquoi, Père, pardonne-leur. Ils crucifient, mais ils ne savent pas qui ils crucifient... Ils pensent qu'il s'agit d'un transgresseur de la Loi, d'un usurpateur de la divinité, d'un séducteur du peuple. Je leur ai dissimulé mon visage. Ils n'ont pas reconnu ma majesté. C'est pourquoi « Père, pardonne leur : ils ne savent pas ce qu'ils font. »
Saint Aelred de Rielvaux (1110-1167), Le Miroir de la charité.