Très peu de vraies paroles s'échangent chaque jour, vraiment très peu ..
A plus de 80 ans, mon père malade s'était levé dans le milieu de la nuit, paniqué, persuadé d'avoir oublié de rejoindre son poste à l'usine. Une détresse sans appel creusait ses yeux. Cette nuit-là j'ai haï la société et ses horaires qui crucifient les âmes nomades.
Lire et écrire sont deux points de résistance à l'absolutisme du monde
Dieu tenait au dix-septième siècle la place qu’aujourd’hui tient l’argent. Les dégâts étaient moindres.
La mort nous prendra tous un par un, aussi innocemment qu’une petite fille cueillant une à une les fleurs d’un pré.
Le savant casse les atomes comme un enfant éventre la poupée pour voir ce qu’il y a dedans. Le poète est un enfant qui peigne sa poupée avec un peigne en or. Il y a la même différence entre la science et la poésie qu’entre un viol et un amour profond.
J’ai mon échec sous les yeux : un bouquet de mimosa dans un pot à eau. Il a ensoleillé mon petit déjeuner, embaumé ma journée et je suis incapable de faire un portrait de lui à la hauteur de sa générosité.
Le sens de cette vie c'est de voir s'effondrer les uns après les autres tous les sens qu'on avait cru trouver.
Je ne suis pas fait pour ce monde. J’espère que je serai fait pour l’autre.
Christian Bobin, Les Ruines du Ciel.
Sylvie 18/05/2020 12:23