L'amour abhore la critique
Je n'ai jamais pu supporter la moindre critique te concernant. Que l'on prononce sur toi la moindre parole blessante, la plus légère réserve, je l’entends, je n'oublie pas, je garde.
Je ne m'en sers pas mais c'est là, comme un abîme entre moi et ceux qui, un jour, ne serait-ce qu'une fois, auront émis un doute sur toi. C'est ma façon d'aimer. C'est la seule que je connaisse. Ce n'est pas que tu sois parfaite. Ce n'est pas non plus que tu sois une sainte. Même les saintes, surtout elles, quand on entend ce qu'elles disent, et elles le disent clairement, même les saintes se jugent, et à juste titre, les dernières des dernières, et cela en raison d'une loi spirituelle élémentaire : plus on s'approche de la lumière, plus on se connaît plein d'ombres. Il n'y a pas de saintes, même les saintes le disent.
Il y a du noir et il y a parfois une fée qui invente une source dans le noir. Moitié source, moitié fée : de toi il ne m'est jamais venu que du bien. Ou plus précisément, plus merveilleusement : même quand de toi il me venait du mal, ce mal tournait immédiatement en bien.
Christian Bobin, la plus que vive.