L'esprit de Noël
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Emission spéciale - L'esprit de Noël dit par Christian Bobin, poète
Noël est pour beaucoup vécue comme une fête pleine d'ambivalence, de douceur, mais aussi de frénésie, de joie et de solitude exacerbée, de discrétion et de tapage. Pour Christian Bobin, un ...
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Noël est pour beaucoup vécue comme une fête pleine d'ambivalence, de douceur, mais aussi de frénésie, de joie et de solitude exacerbée, de discrétion et de tapage. Pour Christian Bobin, un événement digne de ce nom est assez rare dans une vie et c'est très difficile d'en parler. Noël c'est aussi une fête que la société nous intime en quelque sorte de fêter. Or, "il faut percer beaucoup d'épaisseur pour que l'humain en nous se réveille".
"Noël est une période très singulière, attachante et passionnante à voir." Pour Christian Bobin, seuls les enfants savent en parler. "Le meilleur de ce temps là est consacré à quelque de plus léger q'un simple flocon de neige, quelque chose qui est presque invisible, qui est très faible, et qui suppose une passion infinie de l'attente." Or les enfants ont comme il l'appelle "la passion infinie de l'attente". Pour lui, l'enfance est "l'attente des portes du paradis", sans doute laplue belle des espérances.
Le poète Christian Bobin se souvient des soirs de Noël où quand il était enfant, ses parents le réveillaient pour le conduire au pied du sapin... Pour lui, Noël est comme une brèche ouverte dans le temps. "Quelque chose se passe qui semble avoir effacé pendant quelques heures toutes les déceptions de la vie. C'est comme si on attendait quelque chose, quoi je ne sais pas exactement, mais ce que l'on attend là, c'est ce que l'on attend toute la vie."
Les babioles
Mon petit garçon avec ses yeux pensifs
ses gestes et ses mots tranquilles de grande personne
m’a désobéi pour la septième fois,
et je l’ai frappé, je l’ai renvoyé
durement sans l’embrasser,
car sa mère qui était patiente est morte.
Puis j’ai eu peur que le chagrin l’empêche de dormir
et j’ai été le voir dans son lit,
mais il était dans un profond sommeil
paupières battues et cils encore mouillés
de son dernier sanglot.
Alors, ému, je l’ai embrassé
et mes larmes remplaçaient les siennes,
car sur une table tirée à son chevet
il avait mis à portée de sa main
une boîte de jetons et une pierre veinée de rouge,
un bout de verre usé par la plage
et six ou sept coquillages,
une bouteille avec des campanules,
et deux sous français, le tout rangé avec soin
pour consoler son pauvre cœur.
Et ce soir-là, dans ma prière,
j’ai pleuré, j’ai dit à Dieu :
Ah, quand à la fin nous serons couchés sans un souffle
et que, morts, nous ne te blesserons plus,
tu te rappelleras de quelles babioles
nous avons fait nos joies
et comme nous avons peu compris
ta grande loi de bonté.
Alors tu ne seras pas moins père
que moi dont tu as pétri l’argile,
tu laisseras ta colère, tu diras :
Voyons, ce sont des enfants.
Coventry PATMORE.
Recueilli dans Dieu en poésie,
Présentation de Jean Grosjean,
Gallimard, Folio junior, 1984.